Un constat s’impose après les échéances électorales qui ont émaillé la fin 2016 et le début 2017 : l’utilisation du mot globalisation est devenue un exercice périlleux pour n’importe quel acteur politique, tant ce terme a désormais une connotation négative auprès des électeurs. Pire, lors de débats souvent empreints de populisme et simplifications, le mot devient carrément une insulte à utiliser envers l’adversaire coupable de ne pas vouloir imposer des restrictions à un commerce international devenue source ultime de tout problème.
Pourtant, historiquement, s’il y a bien une caractéristique occidentale, elle est bien, ontologiquement, celle d’être porteur de globalisation.
Si l’origine de l’Occident est bien à rechercher du côté des villes grecques, nous savons en même temps, sans tomber dans un lyrisme déplacé, que ces villes se sont bâties autour d’épopées faites d’insoumissions, d’inquiétudes et in-fine d’insatisfactions. Depuis lors, ces facteurs marquant les cités occidentales ont façonné l’idéologie des élites citadines en les poussant à regarder ailleurs soit sur le plan économique, d’où l’intérêt pour le commerce et l’exploration de nouvelles voies commerciales, soit sur le plan purement intellectuel, ce qui a fait naître l’envie de la recherche philosophico-scientifique.
En conséquence, la ville s’affranchit avec le temps de son environnement proche pour s’intégrer à un (ou plusieurs) réseau(x) structurant des espaces géographiques de plus en plus complexes. Paradoxalement, ce même environnement proche est impacté : d’une côté, l’agriculture doit devenir de plus en plus efficiente afin de pouvoir répondre à ses besoins (et celui de son commerce) et, de l’autre, une partie de ses activités productives (industrielles ou non) est externalisée.
De nos jours, des pans entiers d’Occident luttent pour freiner la globalisation, ce qui est signe d’un changement radical. Il faut donc s’interroger : pourquoi une partie de l’Occident ne veut plus de ce processus mais aussi, et ceci est moins souvent discuté, pourquoi une autre veut (semble tout au moins) continuer à y croire ?
Si on se fie aux résultats électoraux, les (très grandes) villes occidentales sont prêtes à accepter la globalisation. En effet, c’est sur la base de la « ville occidentale » qui s’est façonné la mondialisation (stade ultime de la globalisation occidentale) : comme l’université occidentale est devenue paradigme universel pour promulguer et diffuser le savoir technico-scientifique occidental, les grandes « villes occidentales » sont devenues les structures incontournables aux quatre coins du globe pour soutenir une production et une distribution de biens et services qui sont pensées et réalisées à l’échelle mondiale. Elles ne peuvent pas renier leur nature, qui est d’être devenues les fondements d’une maison nommée mondialisation, et ceci malgré le fait que l’ancrage de ce phénomène n’est plus foncièrement occidental mais tend à suivre la taille des marchés, et à migrer vers les endroits les plus peuplées de la planète (Asie en tête).
On serait donc tenté de conclure que les grandes villes occidentales se complaisent dans ce rôle, fières de faire partie des capitales du monde, et ceci malgré une division intestine, la présence d’une jeunesse révoltée (dernier exemple en date : le vote pour Mélenchon en France, ou Sanders aux Etats-Unis) qui voudrait une meilleure répartition des gains liés à la mondialisation.
Ceci dit, ce qui davantage surprenant est de retrouver du soutien à ce processus hors des murs d’une grande ville, et en conséquence à l’échelle nationale : Pourquoi un pays comme l’Allemagne est plus enclin à accepter ce processus quand tant d’autres voudraient si ardemment revenir en arrière ?
Pour tenter de répondre à cette interrogation, maints facteurs devraient être considérés et la littérature à disposition est déjà étoffée. Cependant, un élément est souvent oublié : en Allemagne, l’esprit de la ville est littéralement entré dans les rouages du système productif, il s’est diffusé de façon capillaire à travers tout le pays.
Plus précisément, dans ce pays, chaque entreprise est très autonome et le pouvoir décisionnel très décentralisé : ceci permet, d’une part, d’être extrêmement flexible concernant les négociations salariales et, d’autre part, de répartir les bénéfices en fonction d’objectifs de moyen à long terme grâce, entre autres, à des syndicats qui siégeant dans les comités de direction.
De plus, l’Allemagne, grâce à cette autonomie productive si loin de toute sorte de planification centralisée, a su garder une diversification productive très forte :
la présence d’un tissu dense de petites et moyennes entreprises très performante permet d’absorber plus facilement des pertes éventuelles d’emplois dans un secteur par l’existence d’autre activités.
En conclusion, le rejet plus au moins marqué de la mondialisation dans la population d’un pays est peut-être, après tout, lié à présence ou non d’une décentralisation forte, à un pouvoir diffus et peu centralisé :
il faudrait y réfléchir dans bien des pays occidentaux.